perdre sa vie à la gagner (1)
par kiki le, 03/10/2007La voix du Nord 22 Déc 1990
Perdre sa vie à la gagner
« La maladie professionnelle vaut 100 % »
Combien de médecin traînent encore de détestables réputations pour avoir constamment révisé à la baisse les taux de silicose ? Pourtant comme le disait Ernest Schaffner, maire de Lens et pneumo phistiologue qui a consacré sa vie à la recherche jusqu’à en mourir , « savoir si la souffrance vaut 70, 80, 95 % est inhumain . L’inaptitude au travail pour maladie professionnelle vaut 100 % ». Ca n’a hélas pas toujours été le cas. « Autrefois, il fallait un taux bien élevé pour être sorti » commente le Dr Delepoulle.
La maladie est apparue au début du siècle dans les mines de diamant d’Afrique du sud. Dans le bassin, elle fit des ravages à la libération avec l’arrivée des marteaux piqueurs à air comprimé : la mécanisation en facilitant le travail des mineurs a accru énormément la poussière.
Cette poussière fine, quasi impalpable, chargée de silice, se dépose sur les poumons, qui en se défendant, frabriquent ces nodules.
« Les années d’après guerre ont été terribles, raconte le Dr Delepoulle. On voyait mourir des hommes de 38, 40 ans. Aujourd’hui on constate un nombre de plus en plus important de silicoses qui évoluent peu en raison de la prévention au fond avec l’injection profonde d’eau dans les années 65, du fait également que l’on sorte enfin un peu plus tôt du fond les mineurs atteints, en raison des progrès de la médecine et d’une meilleure hygiène de vie des mineurs qui vivent de plus en plus sans tabac ».
Et pourtant on en meurt toujours et dans des conditions très dures, par asphyxie.
Dans le bassin il n’y a pas un habitant qui n’ait un frère, un père, un voisin, une connaissance atteint de silicose. Tous ont sous les yeux l’image de ces grands colosses bien baraqués, essoufflés, cherchant leur souffle, plus capables alors que leurs muscles sont encore puissants, de jardiner, de soulever un sceau de charbon. Assis derrière une fenêtre ils observent la vie d’a côté du poêle, inquiets du moindre coup de froid qui chez eux peut devenir catastrophique.
Il y a encore dans le bassin 27 000 travailleurs qui auront perdu leur vie à la gagner.
FIN