la silicose sous-évaluée
par kiki le, 05/10/2007Nord éclair 20 Sept 2007.
La silicose sous-évaluée
Les maladies professionnelles sont en France « largement sous-évaluées », affirme une étude publiée aujourd’hui par l’Ined.
Avant le cas de l’amiante, l’exemple de la silicose en est une preuve.
C’est aujourd’hui un fait acté est reconnu : les conditions de travail sont à l’origine de nombreuses maladies professionnelles. Selon une étude de l’Ined (institut national d’études démographiques) publièe aujourd’hui, ces maladies sont « largement sous-évaluées en France ». « les maladies professionnelles sont des maladies négociées, explique le rapport. Depuis les années 1920, leur définition fait l’objet d’une controverse permanente entre patronat et syndicats (…) Les rapports officiels admettent que le système ainsi conduit sous-évalue largement leur incidence ».
A la sous- déclaration s’ajouterait la « sous-reconnaissance » de la maladie, notamment pour celles liées à l’amiante, révèle le rapport. Mais avant même le cas de l’amiante, la silicose en est un exemple flagrant. Cette affection pulmonaire incurable a concerné, et concerne toujours d’ailleurs, un grand nombre de mineurs de la région. « Nous avons (anciens mineurs,ndlr) tous dans notre famille ou dans notre entourage quelqu’un malade de la silicose ou qui en est mort », affirme Marcel Barrois, ancien mineur.
Des chiffres « plancher »
Il a fallu attendre 1946, l’année de la loi de nationalisation qui crée les houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais, pour que la silicose soit reconnue comme maladie professionnelle. Mais il n’en restait pas moins difficile de faire reconnaître qu’on était atteint de cette maladie. Et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Concernant la silicose, le rapport dénombre un total cumulé de 34 000 mineurs ou anciens mineurs morts entre 1946 et 1987. Un chiffre « plancher » selon l’étude. Ces statistiques excluent en effet notamment les personnes n’ayant pas atteint un taux d’invalidité d’au moins 50% ou celles dont les familles n’ont pas demandé que le décès soit attribué à la silicose. Il ne prend pas en compte également les personnes ayant changé de profession au fur et à mesure de la fermeture des puits, ainsi que nombre d’immigrés, comme les Polonais rentrés dans leur pays dans les années 30.
L’aggravation de la silicose encore moins reconnue
Dix-sept ans après la fermeture de la dernière mine régionale, les anciens mineurs luttent encore pour faire reconnaître leur maladie ou son aggravation, Marcel Barrois, ancien mineur du bassin minier, témoigne.
Vous êtes ancien mineur. Comment vous protégiez-vous contre la maladie ?
J’ai commencé le travail dans les mines à l’âge de 14 ans ; Les conditions étaient extrêmement pénibles. A l’époque, la silicose n’était pas connue. Nous n’avions donc aucun moyen de protection. Au début du XIXéme siècle, on disait que les mineurs décédaient de différentes pathologies. Comme de la pneumonie par exemple.
La silicose a été reconnue comme maladie professionnelle en 1946. Des mesures de sécurité ont-elles été appliquées directement ?
Non ! Un décret sur le système de prévention de la silicose n’a été signé qu’en 1956 sous le gouvernement de Guy Mollet. Mais entre les décrets et les mesures de mise en application, il s’est passé encore beaucoup de temps.
A l’époque, bon nombre de mineurs ont eu du mal à se faire reconnaître comme silicosés. Qu’en est-il aujourd’hui ?
On ne m’a pas détecté la silicose tout de suite, alors qu’elle était déjà reconnue. Les médecins de la sécurité sociale minière me disaient que j’avais une affection pulmonaire due au tabac. Ils voulaient minimiser les dégâts pour des questions d’indemnités. Ca a toujours été une bataille pour les mineurs, et ça l’est encore aujourd’hui. D’autant plus que la reconnaissance de la maladie est une chose, celle de l’aggravation en est une autre. Je passe tous les ans des tests chez les spécialistes. Aucun ne veut reconnaître l’aggravation de ma silicose, pourtant reconnue par mon médecin généraliste et mon pneumologue…
La loi sur l’extension du système de réparation des accidents du travail aux maladies professionnelles, qui remonte pourtant à 1919, n’a donc pas changé grand-chose…
Pour passer d’un taux de 30 à 35 %, il m’a fallu neuf scanners. A chaque fois, tous étaient contestés par les médecins.