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Méricourt sous Lens, 11 février 1958
par bourdonb le, 18/05/2009  

MERICOURT-SOUS-LENS (11 février 1958)

En cette fin de nuit du mardi 11 février 1958, une sirène appelle au travail, comme chaque jour ouvré, les mineurs du poste du matin de la fosse 4 sud de Méricourt-sous-Lens.

Ceux du poste de nuit rencontrent ceux du matin. Léon Kulczewicz, remonte, rencontre son frère cadet Théo qui va descendre. « Ça va ? », « Ça va ! » : une rencontre quotidienne.

Les chantiers d'exploitation du charbon sont de plus en plus éloignés du puits central de descente. Pour gagner les « fronts », il faut parfois emprunter d'autres cages plus petites, manœuvrées dans des puits réduits, appelés bures, qui relient des galeries à divers niveaux. Ces bures, en général, sont équipés d'un treuil : arbre muni de deux tambours actionné par un moteur électrique ; sur l'un de ces tambours s'enroule et se déroule le câble relié à la cage, l'autre sert pour le contre-poids. L'installation est équipée du dispositif de sécurité habituel, le parachute qui, en cas de rupture du câble, déclenche la fermeture de mâchoires métalliques qui s'agrippent au dispositif de guidage, freinant et arrêtant la cage dans le puits. Un frein de sécurité donne en outre la possibilité au machiniste d'arrêter la cage en cas de nécessité. Dans le groupe d'Hénin-Liétard, il en existe une trentaine.

Des centaines de mineurs sont déjà descendus par le puits central à l'accrochage 900. Certains, pour se rendre à la veine Saint-Alfred, se dirigent vers le bure où une cage les re­montera de 130 mètres pour leur permettre de gagner le lieu de travail. La cage a déjà effectué plusieurs va-et-vient.

Il est environ 6 h 45. La cage peut monter douze hommes. Onze sont déjà entassés à l'intérieur. Il y a encore de la place pour un. Gustave Cuvelier dit à son camarade Simonin : « Ne monte pas, on prendra l'autre ». En forçant un peu, ils auraient pu entrer tous deux dans la cage, mais « 13 », ça porte malheur. Quant à Robert Duriez, il a oublié sa musette ; il prendra aussi la cage suivante. De cette cage où il se trouve, Roger regarde s'éloigner son frère Robert.

La cage est prête à partir. Un signal. 130 mètres plus haut, le mécanicien, Aloïs Speicher, reçoit. Il met en route le treuil, la cage monte à la vitesse normale de 3 mètres/seconde ; Aloïs s'apprête à recevoir la cage. Soudain un craquement. Le câble de la cage se déroule à une vitesse vertigineuse, Aloïs actionne le frein de sécurité, les ferrodos chauffent à l'extrême. Un bruit sourd. Il comprend, téléphone partout ; ses nerfs craquent, il pleure.

La cage s'est écrasée dans un bruit effroyable et un nuage de poussières aux pieds de Simonin et de Cuvelier ils la pensent vide. Simonin passe sa main par une ouverture, sent une tête. Il entend quelques râles, sent ses forces se décupler. Des cama­rades sont arrivés sur les lieux. Ensemble, ils dégagent les corps. Tous sont morts. C'est horrible.

Le père de Simonin est à son poste de travail au fond quand il apprend la catastrophe. Il envoie un ami aux nouvelles Son fils est en vie. Des larmes coulent. De joie. « Mais quand je l'ai revu, il était comme fou, horriblement taché de sang ». Georges Simonin a 21 ans de mine. Il a déjà bien vu, hélas ! des accidents au fond ; mais comme celui-là, jamais.

Des mineurs italiens récemment embauchés passent au pied du bure. Leurs yeux découvrent l'horreur de la tragédie qui vient de se dérouler en quelques secondes. Saisis d'une folle panique, ils s'enfuient.

La cage avait parcouru environ la moitié de sa course. L'axe du treuil s'était cassé. Quatre à cinq secondes de chute, et la cage avait heurté le sol, à environ 100 km/heure, entraînant dans la mort tous ses occupants.

La nouvelle de la catastrophe s'est répandue comme une traînée de poudre. Très vite, les femmes des mineurs partis une heure plus tôt au travail montent, haletantes, la rue qui conduit à la fosse. Les plus éloignées arrivent à bicyclette. Le jour n'est pas encore levé.

Les corps fracassés des victimes sont remontés au jour, emportés vers un local transformé à la hâte en chapelle ardente. Une à une, les familles viennent reconnaître les leurs.

Léon Kulczewicz, après s'être lavé, était retourné chez lui. Le bruit court : une cage est retombée dans un bure ; il y a 10 morts. Il revoit son frère à l'heure de la descente, quelque chose le prend à la gorge. Et si mon frère ... Vite, il retourne à la fosse ; des gardes lui interdisent l'accès du carreau. Il est mineur ; il rentre. Il aperçoit le délégué. Mon frère ? Son numéro de lampe ? Le numéro figure sur la liste du délégué. Celui-ci regarde Léon. Son frère est mort. En mars 1947, dans ce même puits, son frère Jean a eu la tête écrasée entre deux berlines. Mort aussi à 20 ans ! Le 14 juillet 1956, son frère Raymond sautait sur une mine en Algérie, un infirme maintenant. « Comment ma maman va-t-elle prendre cela ? » .. .

La mine a encore tué. La mine tue toujours. Et de plus en plus. « LIBERTE » titre : « La corporation minière décimée. Cinq catastrophes en dix mois ont tué 56 mineurs ». 10 à Liévin. 7 dans un puits du Haut-Rhin. 8 à Decazeville. 20 à Montceau-­les-Mines. 288 jeunes mineurs de 14 à 30 ans ont été tués dans le Nord et le Pas-de-Calais de 1950 à 1956. 5 045 déclarations de silicose enregistrées dans l'année. 500 décès de silicose en 1956. Le résultat de la surexploitation.

Des maisons marquées d'une croix. Des familles en deuil. Onze stations d'un douloureux chemin de croix.

· No 314, Boulevard de la Fosse 2, à Rouvroy.

Théodore KULCZEWICZ est mort. Son frère, Léon, se précipite au domicile de ses parents. Son père est là. Il sait un garde des Houillères est venu le prévenir. Sa maman ? Elle est chez une de ses filles. Pauvre maman ! deux garçons morts en pleine force de l'âge, et un infirme. La mine et la guerre ...

· No 198, Boulevard de la Fosse 2, à Rouvroy.

Le garde est passé. Roger BERNARD est mort, à 25 ans. Sa mère, veuve à 49 ans. Assise sur un fauteuil dans la petite cuisine, elle est en proie à une crise nerveuse. Parents, amis, voisins témoignent de leur sollicitude. La compagne de Roger est là aussi. Elle attend un enfant de lui dans deux mois. La secousse est terrible ... Je revois ce fils qu'une mère portait dans son sein lorsque son mari a été tué à la catastrophe de Courrières de 1906. Sera-t-il normal ? ...

· No 9, rue Emile Dubois, à Rouvroy.

Robert avait oublié sa musette, il n'a pas suivi son frère Roger dans la cage. Roger DURIEZ est mort à 25 ans. Son épouse est là, anéantie. Elle ne s'est pas senti la force d'aller reconnaître son mari. Danièle, Jean, Régine n'ont plus de père.

· No 20, rue du Boulonnais, à Méricourt.

Jean SZEWCZYK est mort à 29 ans. Il laisse une veuve et deux enfants qui ne verront plus jamais leur père

· No 15, rue Barbès, à Méricourt.

Germain WILLERVAL est né en 1909. Il allait jouir d'un repos bien mérité. Il est mort à la veille de sa retraite. Marié, deux enfants ...

· No 40, rue Charles-Lecocq, à Méricourt.

Gérard RYBES, mort à 21 ans. Des parents pleurent leur malheureux fils. Le père était mineur, il ne travaille plus ; il a cessé de travailler depuis quelques années : tuberculose, dit-on. Deux oncles de Gérard étaient mineurs, ils sont morts de tuberculose avant la guerre. On ne connaissait pas la silicose ... Aussi les parents de Gérard ne voulaient-ils pas qu'il soit mineur. Mais à 14 ans, il a été s'embaucher à la fosse. Mineur de père en fils. Ses parents ont dû céder. Il devait partir au service militaire en mars, il n'avait plus qu'une semaine à travailler ...

· No 2, Boulevard de la Fosse, à Méricourt.

Cinq enfants, une maman qui attend son sixième d'un moment à l'autre. Camille HANOT (34 ans) ne paraîtra plus à table au milieu de ses enfants : Albert (11 ans), Danièle (9 ans), Michel (5 ans), Edith (3 ans), Richard (18 mois). Ce mardi, Camille a quitté son épouse, Sophie, pour aller travailler, mais sans goût. Elle le remarque : son homme n'est pas comme d'habitude. Il s'en va comme s'il ne devait jamais revenir. « Prends un billet de malade, lui dit-elle ». « J'arrêterai après que tu seras délivrée » ... Son enfant, garçon ou fille, s'appellera Camille : une dernière preuve d'amour à l'égard de son mari ...

· No 46, rue Pasteur, à Méricourt.

Joseph DEHAY, 31 ans, marié, deux enfants. DEHAY, un nom de famille évocateur de la catastrophe de 1906 : 13 Dehay âgés de 15 à 30 ans figurent sur la liste des victimes habitant Méricourt. Des familles entières sans homme. Au cimetière de Méricourt, près de DEHAY morts en 1906, une tombe est creusée : Joseph rejoint ses aînés ...

· No 21, rue Arago, à Méricourt.

Victor JANCZAK, 21 ans, issu d'une famille polonaise émigrée en France après la guerre 1914-1918. Son père : un vieux mineur polonais qui avait donné à la mine cinq de ses onze enfants. Trois sont silicosés : Jean (35 ans), César (33 ans), Stanislas (28 ans) ; ils ont été remontés du fond et travaillent au jour : à la cokerie de Drocourt. François, 21 ans, est abatteur à la fosse 3 de Méricourt. Et il y avait Victor ...

· No 13, 6ème Rue, quelque part dans Méricourt.

Les PEZZANI sont Italiens. Ils sont arrivés depuis quelques mois en France. Leur foyer a deux enfants ; la maman attend son troisième. Elle ne comprend pas, elle ne réalise pas. Hier, Luigi PEZZANI, son mari, était vivant. Aujourd'hui, il est là, froid, allongé dans son cercueil. Mort en terre étrangère ...

· No 8, 4ème Rue à Méricourt.

Un baraquement. Une jeune maman, un bébé de quelques jours dans les bras, pleure. Son mari, François CARLIER, entré dans la profession à 14 ans, est mort. La plus jeune victime de la catastrophe ...

Ils s'étaient mariés en novembre dernier. Le 21 janvier, il avait eu 20 ans. Le 4 février naissait leur petite Françoise. Il avait pris trois jours de congés spéciaux et deux jours de congés sur ses droits pour l'année 1958 afin de finir la semaine chez lui. Lundi, mobylette en panne. François arrivera trop tard pour la descente, il reste chez lui. Mardi, le réveil sonne ; sa femme veut encore le retenir une journée à la maison ... Après la naissance, une maman ne doit-elle pas rester couchée ou se reposer pendant neuf jours ? . . . Ils n'ont plus un sou ; François fait comprendre à sa femme qu'il lui faut aller travailler. Il s'en va à la fosse. Son dernier matin.

- Je ne voulais pas qu'il y aille, répète-t-elle. Mais on avait tellement besoin d'argent. Quand nous nous sommes mariés, il y a trois mois à peine, nous n'avions même pas une cuiller à nous. Pourtant François avait confiance en l'avenir et il était si heureux d'avoir une petite fille ! ...

Ses quatre beaux-frères, tous mineurs à la fosse 4, sont près d'elle ...

Unanimes, les onze familles des victimes ont exprimé un désir : que la cérémonie officielle des funérailles soit aussi brève que possible ; la levée des corps ne devait comporter que deux allocutions, celle du Maire de Méricourt et celle du Préfet, représentant le Gouvernement.

Les représentants des Houillères, de la C.F.T.C. et de F.O. sont d'accord. Ceux de la C.G.T. insistent pour prendre la parole. Dans ces conditions, il est décidé qu'aucun discours ne sera prononcé le jour des obsèques fixé au vendredi 14 février.

Au procès-verbal de la séance du 13 février 1958, est annexé un rapport fait au nom de la Commission de la Production Industrielle et de l'Energie sur des propositions de résolution émanant de MM. Pierre-Fernand MAZUEZ (catastrophe de Blanzy), Waldek ROCHET (catastrophe de Montceau-les-Mines), André MANCEY (catastrophe de Méricourt-sous-Lens) et plusieurs de leurs collègues.

La proposition de résolution de M. MANCEY tend à inviter le Gouvernement à attribuer un secours d'urgence aux familles des mineurs victimes de la catastrophe, à désigner une commission d'enquête afin d'établir les responsabilités, à étudier le problème du renforcement de la prévention et de la sécurité dans les mines.

La sous-commission des mines a décidé qu'une commission formée de quatre députés : MM. Catoire (M.R.P.), Just Evrard (socialiste), Mancey (communiste), Ramel (indépendant), viendrait le 28 février à Méricourt.

Les députés réunis le lendemain à l'Assemblée Nationale observent une minute de silence en l'honneur des victimes de la catastrophe.

Entre-temps, une caravane de voitures belges quittait la Belgique au petit matin ... Lors de la catastrophe de Marcinelle, un vaste élan de solidarité s'était manifesté à l'égard des familles endeuillées par l'intermédiaire de la station radiophonique « Europe no 1 ». Maintenant, c'est la France qui est à son tour frappée par une catastrophe minière, celle de Blanzy ; puis survint celle de Méricourt. Un appel à la solidarité est lancé par le bourgmestre de Marcinelle, dans le cadre de l'émission d'Europe no 1 : « Vous êtes formidables ». L'opération initialement prévue pour les familles des victimes du bassin de Blanzy est étendue à celles de Méricourt. Le standard reçoit plus de 2 000 appels. 34 sont retenus. Des voitures sillonneront la Belgique pour recueillir dons et colis. Dans la journée de mercredi, plusieurs millions de francs français sont recueillis. S.A.R. le prince Charles fait un don de 100 000 francs belges. Le passage de ces voitures provoque la mise en place de collectes dans les villes.

Une douzaine de ces voitures ont quitté la Belgique pour la France. Direction Lens à travers des zones de brouillard qui retardent le convoi. Vers 10 h 30, les volontaires belges qui ont fait le déplacement arrivent à l'Hôtel de Ville de Lens où les accueillent le Dr Schaffner, conseiller général et maire, et diverses personnalités. Accompagnant nos voisins et amis belges, un mineur de Charleroi représentant la corporation minière belge.

Des colis sont déchargés. La visite n'est que symbolique. Les collectes continuent. Les organisateurs espèrent recueillir dix millions de francs, sans compter les colis. A l'occasion de cette démarche, un grand merci au peuple belge et à ceux qui ont participé à l'opération.

Avant de quitter Lens pour Paris et Blanzy, la longue caravane des voitures belges venues de Marcinelle, et que précèdent des motocyclistes de la police de la route, se rend à Méricourt où elle s'arrête sur la place où le lendemain se dérouleront les funérailles des victimes. M. Henri Bodart, maire, entouré de représentants du Conseil municipal, accueille les membres de la caravane dans la salle d'honneur de l'Hôtel de Ville. Il renouvelle ses sentiments de gratitude envers la population belge.

Dans le groupe d'Hénin-Liétard, les mineurs font grève ce vendredi 14 février. Dans les autres groupes, un quart d'heure d'arrêt du travail pour protester contre l'insécurité, une minute de recueillement pendant « briquet » ...

Le jour se lève. Pour les familles des victimes, le calvaire continue. Du fond de notre cœur, soyons unis à elles dans la douleur.

Le corps de l'être cher franchit le seuil de la maison. Pour toujours. Une ambulance emmène le cercueil sur la place de Méricourt. Une voiture particulière emmène les familles.

Un à un les cercueils s'alignent sur des tréteaux disposés sur la place de l'Hôtel de Ville drapé de noir. Derrière les cercueils, les familles unies dans le malheur, toutes de noir vêtues, accablées, épuisées. Près de chaque dépouille, un mineur en toile bleue et foulard blanc, la lampe-chapeau reliée à des accus maintenus par une ceinture, côte à côte une dernière fois avec le camarade de taille, le voisin de cité, l'ami. Devant les cercueils, un immense parterre de fleurs. D'autres mineurs forment une haie d'honneur de chaque côté du perron de la mairie où deux tribunes ont été aménagées pour recevoir les personnalités.

9 heures. L'hommage de la corporation minière à ses disparus. Commence alors un long défilé d'hommes, de femmes. Des hommes, des femmes qui auraient pu se trouver de l'autre côté ... Une foule d'anonymes, le cœur serré, le cœur en peine.

Une foule silencieuse, émue. Un silence coupé par des pleurs, des sanglots. Des bouquets de fleurs viennent s'ajouter aux gerbes en place. Un défilé qui aurait pu durer longtemps encore. La place est noire de monde. Un pâle soleil de printemps brille.

Il est 10 heures. Les personnalités sont en place. Parmi elles, le Docteur Schaffner, maire de Lens ; M. LATOURNERIE, président de la Caisse Autonome Nationale.

Le Préfet est arrivé. Place au représentant du Gouvernement. Celui-ci passe devant les victimes, présente ses condoléances aux familles, prend place sur un podium, prononce une allocution. La seule pour répondre au désir des familles de ne pas allonger la cérémonie d'adieu. Il s'incline au nom du Gouvernement devant les « martyrs de la nouvelle catastrophe » et « du fond du cœur », il exprime aux parents, aux veuves éplorées et aux 17 orphelins « la profonde sympathie » de toute la population de la région et du pays tout entier. La catastrophe a frappé de stupeur le Bassin minier. « Comment ne pas s'étonner devant l'imprévisible défaillance mécanique qui semble avoir déjoué tous les dispositifs de sécurité ? Et comment ne pas se révolter devant le cruel destin qui, en quelques secondes, a enlevé à leurs foyers onze rudes travailleurs - dix Français et un Italien - tous dans la force de l'âge ». M. Phalempin est dans la région depuis près de douze ans, il s'adresse ensuite aux mineurs du Pas-de- Calais : « Je vous connais assez pour être certain qu'après ce légitime sursaut de colère, vous retrouverez votre sang-froid et votre objectivité. En pareille circonstance, il ne s'agit pas, en effet, de serrer les poings mais plutôt de serrer les coudes ». Il donne l'assurance solennelle que les Pouvoirs Publics « demeurent décidés à travailler de toutes leurs forces » pour protéger au maximum les mineurs « contre les traîtrises de la mine ». Et de les convier à s'associer « sans vaines polémiques, à cette lutte solidaire pour la sécurité quotidienne » pour ne plus avoir à déplorer, « comme aujourd'hui, le sacrifice de ces nobles victimes du travail auxquelles j'exprime, une dernière fois, la reconnaissance de la Nation ».

Après un court instant de silence, la sonnerie « Aux Morts » ; glaciale, crispante. Aux accents d'une marche funèbre, un cortège se forme : enfants de chœur, porte-drapeaux, mineurs porteurs de croix, de gerbes, de couronnes, enfants des écoles, membres du conseil municipal.



Les camions plates-formes s'avancent. Le maître des cérémonies appelle : Gérard RYBES ... Joseph DEHAY ... Jean SZEWCZYK... François CARLIER ... Leurs camarades de travail soulèvent les cercueils, les portent, les placent sur la première plate-forme. Les familles se rangent derrière le camion-mortuaire. Au coude à coude, commence une marche douloureuse.

Deuxième plate-forme : Camille HANOT ... Victor JANCZAK ... Luigi PEZZANI ... Sa veuve s'accroche au cercueil, gémit, défaille ... Germain WILLERVAL ...

Troisième plate - forme : Roger BERNARD ... Roger DURIEZ ... Théodore KULCZEWICZ.

A l'appel des noms, des gémissements, des sanglots, des cris. Un peloton de gendarmerie rend les honneurs. Une sirène hurle à mort.

Le long cortège s'ébranle et chemine lentement vers l'église du village. Toujours aux accents d'une marche funèbre de plus en plus lancinante, obsessionnelle. De part et d'autre des chars funèbres, des camarades mineurs, la lampe-chapeau allumée, forment une haie. Derrière les familles, viennent les personnalités, les délégations minières, la population.

L'église Saint-Martin : nouvelle étape du calvaire des familles. Un à un, les onze corps sont portés à l'intérieur de l'église. Les corps des victimes de Rouvroy et de Billy-Montigny sont placés dans le chœur, les autres près de la Table Sainte de part et d'autre de l'allée centrale. Les mineurs en tenue prennent place dans la nef latérale droite, les familles dans celle de gauche et dans la nef centrale où sont réservées des places pour les personnalités.

L'église trop petite ne peut contenir la foule demeurée sur la place où sont installés des haut-parleurs permettant de vivre la cérémonie religieuse.



Son Excellence Mgr Perrin, évêque d'Arras, préside la cérémonie. Parmi les nombreux membres du clergé, le chanoine Henri Carrière, curé de Billy-Montigny, dont le père et l'un des frères ont été tués lors de la catastrophe minière de 1906 : il avait alors dix ans.



L'abbé Barczewski, doyen de Vimy, chante la messe de Requiem. Après la lecture de l'Evangile, le chef du diocèse exprime les condoléances de la chrétienté aux familles des victimes. « Nous comprenons la douleur des mères, des épouses, des orphelins, et nous la partageons. La solidarité de la corporation minière est très étroite. Les malheurs des uns sont très profondément ressentis par tous. L'Eglise partage ces douleurs en les teintant d'espérance et nous vous demandons de vous unir à notre prière, confiante dans la Miséricorde divine et dans l'Eternel Revoir ».

La cérémonie religieuse terminée, les cercueils des huit victimes de Méricourt sont de nouveau rangés sur les plates formes. Le soleil s'est caché. Le vent souffle.



Il est passé 13 heures. Le cortège prend la direction du cimetière. Des mères, des veuves, épuisées, à bout de nerfs ...Tous les cœurs communient avec le chagrin, la détresse des familles.



Les corps vont retourner à la terre. Le curé de Méricourt bénit une dernière fois les cercueils. Un pater ... un ave ...

52 ans auparavant, à peu près à la même heure, le mardi 13 mars 1906, l'abbé Vaneuversuyn, alors curé de Méricourt, bénissait sous la neige la fosse commune où étaient descendus les cercueils des victimes qui n'avaient pas été reconnues ; une fosse commune qui s'agrandissait au fil des jours pour recevoir des « restes ». Aujourd'hui, un silo caché entre les talus de voies ferrées. Un monument commémoratif où sont inscrits les noms des victimes de la catastrophe non reconnues, près du quart ...



Ce 14 février, pour toutes les familles des victimes, le calvaire n'est pas encore terminé. L'après-midi, des corbillards conduisent les dépouilles mortelles de Roger Bernard et de Théodore Kulczewicz au cimetière de Rouvroy, et celle de Roger Duriez à Billy-Montigny pour y être inhumées. A Rouvroy, Auguste Pidoux étant malade, l'adjoint au maire, Gilbert Ellard, prononce un discours suivi par celui d'Eugène Glorieux, au nom de la F.N.S.S. des mineurs C.G.T. Dans l'assistance, le consul de Pologne.



Le vendredi 14 février, les membres de la Commission parlementaire chargés d'enquêter sur les causes de la catastrophe se retrouvent à 8 h 30 dans la salle d'honneur de la Mairie de Méricourt. Entretiens jusqu'à 13 heures avec M. Nicolas, ingénieur en chef du Service des Mines ; puis avec les représentants des syndicats : F.O. (MM. Catenne, Berthelin, Ostrowski), C.F.T.C. (MM. Sauty, Bergamini, Audrique, Bruchet) et C.G.T. (MM. Delfosse, Legrand, Etienne, Six, Glorieux) ; et les représentants des cadres : MM. Péan (C.G.C.), Bayle (F.O.) et Lagandré (C.F.T.C.).



Vers 15 h 30, les parlementaires sont à la fosse 4. Entre­tien avec MM. Mangez, directeur du Groupe d'Hénin-Liétard ; Bernières, chef de Siège, et Etienne, délégué mineur de la fosse ; en présence de M. Nicolas. Puis descente commune sur les lieux de la catastrophe. Examen des restes de la cage accidentée, examen de la nouvelle cage installée.



L'arbre du treuil a été envoyé pour examen au Conservatoire des Arts et Métiers. Dès que le rapport des experts sera établi, M. Nicolas et les parlementaires se retrouveront pour un nouvel entretien à la suite duquel ces derniers rendront compte de leurs travaux et conclusions à la Commission de la Production Industrielle de l'Assemblée Nationale.



A propos de la catastrophe, le quotidien parisien l'« AURORE » avait écrit « qu'il est des catastrophes contre lesquelles la technique humaine est impuissante. Mais que ce n'était pas le cas, et qu'il était criminel d'envoyer de la sorte, faute de vérifications suffisantes, des hommes à la mort ».



Les Charbonnages de France suppriment au journal la publicité de leur emprunt. Pour punir l'« AURORE » ? ...





Les experts du Conservatoire des Arts et Métiers ont trouvé un vice de construction dans le treuil. Le juge d'instruction d'Arras va être amené à inculper les constructeurs d'homicide involontaire.



MERICOURT-SOUS-LENS - 11 février 1958



BERNARD Roger KULCZEWICZ Théodore

CARLIER François PEZZINI Luigi

DEHAY Joseph RYBES Gérard

DURIEZ Roger SZEWCZYK Jean

HANOT Camille WILLERVAL Germain

JANCZAK Victor

Bernard

Bourdonb

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par maurice devos le, 19/05/2009

j'connos très bien ech't'histoire dramatique, qui m'a été racontée par Simonin li même qu'ej'connaissos bien, mais sin prénom i m'échappe

par maurice devos le, 12/06/2009

sin prénom à Simonin chétot Gilbert


 


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