À mon père
par guerriot le, 14/04/2014À mon père…
Mon père subit le sort commun des garçons de son âge : il ne poursuivra pas ses études au-delà de l’école primaire, sans même atteindre le Certificat d’Etudes –diplôme qui ouvrait bien des portes, alors-… Sa mère l’embauche à la mine en tant que galibot car les besoins d’argent se font pressants à la maison.
Treize ans ! Un âge bien tendre encore !
Pour rejoindre le puits, dès l’aube, il traverse à pied toute la ville. Sa mère l’accompagne et lui porte sa musette avec son « briquet ».
Son frère cadet aura droit à davantage d’égards : d’abord apprenti-boulanger, il ne rejoindra la mine que bien plus tard…
Devenu adulte, mon père porte parfois de lourdes brouettées de charbon chez son frère qui a quitté la mine et qui cohabite désormais avec la grand-mère dans une vieille maison éloignée qu’il a achetée.
Il dissimule ce qu’il transporte sous un sac à pommes de terre car l’expédition présente bien des périls : les dénonciations ou les rencontres inopinées avec le Garde des Mines ne sont pas les moindres : ce personnage redoutable et redouté veille au strict respect d’un règlement de fer, inflige des amendes prélevées sur la « quinzaine », peut obtenir le renvoi d’un ouvrier ou –dans ce cas particulier- la suppression de l’allocation de charbon à laquelle peut prétendre chaque mineur.
Mon père ahane, sue, repose parfois la brouette, se frotte les mains l’une contre l’autre et cherche des yeux, au lointain, l’endroit où, de nouveau, il se reposera.
Jamais, en retour, il ne recevra le moindre remerciement…
O mon père aimant qui dissimule si bien sa bonté rugueuse, sa fierté aussi de me savoir « arrivé ».
Lorsqu’il me rend visite dans le village où j’exercerai plus de trente ans, il se fait si humble, n’osant pénétrer dans la cour d’école mais me faisant signe depuis le portail et m’attendant…
Son humilité grandit avec notre âge. Il avance parfois un avis à peine ébauché…n’osant poursuivre.
O mon père ! aujourd’hui que tu n’es plus, je songe à certaines de mes maladresses, à tout ce que nous aurions pu nous dire. A tous nos élans contenus. Entre hommes, cela ne se fait pas…
Papa, comme tu me manques maintenant !
très bel hommage. je pense à mon papa .....