JU DE BIDET (en chti et en français)
par berlens78 le, 21/06/2021Jé m' rapelle qu’un coup bien avant Noël min père i étot rintré dé l' centrale électrique éd’ Gosnay à mobylette avec dins eune sacoche ch' juet qu'in avot cuji eune paire éd' mos avant, su ch’ catalogue d’ la SLAC j’ cros bien : un ju d’ bidets. Y’ avot pas cor d’arbe éd’ Noël avec des spectaques pis des cadeaux à chés zéfants d’ mineur tout cha. Nan, chaque jeaunne i cusichot un juet sur un catalogue j’cros bien et chés parints i zallotent les quère eune paire éd’ jours avant Noël à l’ salle Paloma rue Charles Marlard.
Et donc ch’ t’ année là, in avot cusi un ju d’ bidet ; chétot un genre éd' casier in bos qui s'ouvrot in deux avec à l'intérieur un ju de l'oie et un ju d' backgammon (que j'ai jamais su commint qu'in juot à cha !). Et eune fos arfermée, l’boite alle présentot deux côtés : un damier pour juer aux dames (et pas aux échecs, in juot pas à cha dins chés corons) et d’ l’ aute côté ch’ fameux ju d’ bidets.
M’ mère alle adorot juer à cha ; enfin surtout quand alle gagnot ! Souvint in comminchot à juer su l’ coup d’ chinq heures l’ diminche après-midi ; in s’installot dins l’ cuisine, in bougeot l’tabe in formica pou l’ décoller dé ch’ mur et l’ mette au mitan dé l’ pièche ; in s’installot à 4 autour ; si in n’étot pas assez, in faijot appel à mémère, qui n’avot pas trop quère cha et qui préférot rester tranquille dins s’ pièche à tricoter ou à arpriser ses cauchettes. D’abord i fallot cujir l’ couleur d’ ses bidets : y avot des bleus, des jaunes, des rouges et des verts. Enfin cha chétot in théorie passe que chés verts i zétotent réservés à m’mère, in pouvot pas les prinde ; et min père chétot chés rouches.
Qui ché qui comminchot ? Bin, là aussi chétot m’ mère ; alle étot toudis pressée d’arriver et alle avot pas quère perde. Des fos, in juot pour des sous : 10 francs (anciens, cha faijot 10 centimes in nouviaux francs) du bidet culbuté. Quand alle in culbutot un, sin visage i s’illuminot , alle étot sans pitié ; alle culbutot ch’ bidet d’ bon cœur et souvint i valdinguot par terre su ch’ carrelache ! Mais alors quand chétot un vert qui étot culbuté, alle t’ ravisot avec des ziux presque méchants, plein d’ reproches ; et souvint après cha alle n’avot plus dins s’ tiête qu’ eune idée fixe : s’ vinger ! « Ah ! té m’as culbuté min cochon ! té vas vire eune fos qu’ j’aurai fait un 6 et que j’ séros arpartie ! ». Mais i fallot faire un 6 d’abord ; des fos chétot tout d’ suite et des fos ch’ fameux 6 i s’ faijot atteinde ; alors m’ mère alle inrageot, alle s’énervot, i fallot s’ dépêcher et des fos si in n’allot pas assez vite, in passot sin tour !
Chétot animé chés diminches après-midi à m’ baraque ! Quand alle gagnot, alle étot tout sourire et in aurot pu i demander n’importe quoi ; mais alors, quand alle perdot, in n’ osot pus l’approcher. In essayot bien dé l’ taquiner un tiot peu mais in s’ faijot raclaquer aussi sec. « Ché l’ dernière fos que j’ jue avec tizautes, vous savez que tricher ! ».
Mais tout in rouspétant, cha l’impêchot pas d’ mette elle flamique qu’in avot acaté amont Casteele récauffer un tiot peu dins ch’ four et dé s’ régaler tous insenne …
-------------------------------- traduction en français --------------------------------------
LE JEU DE BIDETS (en français)
Je me souviens qu’un jour, bien avant Noël mon père était rentré de la centrale électrique de Gosnay à mobylette avec dépassant d’une sacoche le jouet qu'on avait choisi quelques mois auparavant, sur le catalogue de la SLAC il me semble : un jeu de bidets. Il n’y avait pas encore d’ « arbre de Noël » avec des spectacles et des cadeaux aux enfants de mineur tout ça. Non, chaque enfant choisissait un jouet sur un catalogue et les parents allaient les chercher quelques jours avant Noël à la salle Paloma rue Charles Marlard.
Et donc cette année là, on avait choisi un jeu de bidet ; c’était un genre de casier en bois qui s'ouvrait en deux avec à l'intérieur un jeu de l'oie et un jeu de backgammon (dont je n’ai jamais su comment on jouait à ça !). Et une fois refermée, la boite présentait deux côtés : un damier pour jouer aux dames (et pas aux échecs, on ne jouait pas à ça dans les corons) et de l’ autre côté le fameux jeu de bidets.
Ma mère adorait jouer à ça ; enfin surtout quand elle gagnait ! Souvent on commençait à jouer sur le coup de cinq heures le dimanche après-midi ; on s’installait dans la cuisine, on déplaçait la table en formica pour la décoller du mur et la mettre au milieu de la pièce ; et on s’installait à 4 autour ; si on n’était pas assez, on faisait appel à mémère, qui n’aimait pas trop ça et préférait rester tranquille dans sa pièce à tricoter ou à repriser ses chaussettes mais elle n’était plus à un sacrifice près. D’abord il fallait choisir la couleur de ses bidets : il y avait des bleus, des jaunes, des rouges et des verts. Enfin ça c’était en théorie parce que les verts étaient réservés à ma mère, on ne pouvait pas les prendre ; et mon père c’étaient les rouges.
Qui c’est qui commençait la partie ? Eh bien, là aussi c’était ma mère ; elle était toujours pressée d’arriver et n’aimait pas perdre. Parfois, on jouait pour des sous : 10 francs (anciens, ça faisait 10 centimes en nouveaux francs) du bidet culbuté. Quand elle en culbutait un, son visage s’illuminait , elle était sans pitié ; elle culbutait le bidet de bon cœur et souvent il valdinguait par terre sur le carrelage ! Mais alors quand c’était un vert qui était culbuté, elle te regardait d’un air méchant, plein de reproches ; et souvent après ça elle n’avait plus dans la tête qu’ une idée fixe : se venger ! « Ah ! tu m’as culbuté mon cochon ! tu vas voir une fois que j’aurai fait un 6 et que je serai repartie ! ». Mais il fallait faire un 6 d’abord ; des fois c’était tout de suite et des fois le fameux 6 se faisait attendre ; alors ma mère enrageait, elle s’énervait, il fallait se dépêcher de jouer son tour et parfois si on n’allait pas assez vite, on le passait !
C’était animé les dimanches après-midi à la maison ! Quand elle gagnait, elle était tout sourire et on aurait pu lui demander n’importe quoi ; mais alors, quand elle perdait, on n’ osait plus l’approcher. On essayait bien de la taquiner un peu mais on se faisait raclaquer aussi sec. « C’est la dernière fois que je joue avec vous autres, vous êtes des tricheurs ! ».
Mais tout en rouspétant, ça ne l’empêchait pas de mettre la flamique qu’on avait achetée à la boulangerie Casteele réchauffer un peu dans le four et de se régaler ensuite tous ensemble …
( 2 photos)