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RACONTE-MOI MA FAMILLE N°15 Des coups de feu dans la nuit
par Paul-Frantz le, 30/08/2021  

“Raconte-moi ma famille...” N° 15 - Récits de famille, racontés par nos anciens.
Par Paul-Frantz VIDAL (famille maternelle à Fouquières-lès-Lens)
"DES COUPS DE FEU DANS LA NUIT…"


Nous vivons à Paris depuis que nous avons quitté la Gascogne de ma famille paternelle. Ne souhaitant pas nous suivre dans la capitale, ma mémé Marguerite DUJARDIN a préféré s'en retourner vers les terrils du Pas de Calais pour remplacer les pics pyrénéens. Elle vit donc maintenant dans son village natal, à Fouquières les Lens où mon oncle Frantz, en poste à Lille, lui a trouvé à louer une petite maison des anciens corons, dans la rue Victor Hugo. Ainsi elle se trouve près de son mari, enterré au cimetière près de l'église, et n'est pas très loin de son fils aîné qui peut venir la voir tous les dimanches en venant visiter son beau-père Clément DRUON, menuisier-ébéniste dont la maison donne sur la place de Fouquières.

La relative proximité de Fouquières permet aussi à nos parents de nous conduire chez notre grand-mère chaque fois qu'il y a des vacances, pour nous changer des rues de la capitale. Ce n'est sûrement pas parce que la pollution engendrée par les mines est plus salutaire que celle des usines qui fonctionnent encore dans certains quartiers de la capitale, mais ça leur donne un peu de répit. Près de chez nous, les ateliers de fabrication des ascenseurs Edoux-Samain nous gratifiaient parfois des poussières évacuées par la grande cheminée de brique.

Mon frère a accepté une seule fois cette estive nordique pour les tendres agneaux que nous étions encore, surtout moi…
J'aimais bien venir à Fouquières me faire cajoler par ma bonne mémé, et puis là j'avais une chambre pour moi tout seul. Je supportais mal de partager une chambre avec mon grand frère qui, de sept ans mon aîné vivait bien sûr comme si je n'existais pas, ou alors seulement pour passer de temps en temps ses nerfs sur moi en me tapant.

La maison était je crois au 18 de la rue, elle n'existe plus. Je restais seul avec ma mémé dans cette petite maison de mineur avec son petit jardin potager, sa cave et sa véranda. Le seul problème c'est que ma grand-mère n'était pas vraiment le compagnon de jeux idéal.
Bien sûr on pouvait "juer à cartes" ou au "jeu d'bidet", mais ce n'était pas drôle, elle me laissait toujours gagner. Au début, j'avais réussi à la persuader de venir avec moi visiter la belle famille de son fils aîné Frantz. C'était mon oncle, à qui je dois la moitié de mon prénom, et il avait épousé une riche héritière du village Denise Druon.
Son père était menuisier-ébéniste et possédait une superbe propriété sur la place de Fouquières, au croisement des rues Zola, Pasteur et Victor Hugo, avec maison de maîtres, dépendances, ateliers et garages, et un grand parc avec potager. Cette place était très grande et totalement vide revêtue d'une sorte de mâchefer poussiéreux et bordée des pignons de pauvres maisons de brique. Sur l'un d'eux on pouvait encore lire en lettres délavées d'une peinture qui avait dû blanches : "Estaminet". La maison que désignait cette enseigne avait été détruite et devait se trouver sur la place elle-même. Peut-être était-ce celle où vécurent ma grand-mère et ses trois petits pendant les heures du conflit de 14-18 ? Je ne lui ai jamais posé la question…

J'aimais venir chez Clément DRUON, le vieil ébéniste, car j'étais fasciné pas sa façon de fabriquer des meubles, de sculpter des panneaux de chêne ou tourner des pieds de chaises. Il avait de nombreuses machines électriques pour scier, trancher, dégauchir, tourner, mortaiser, percer, raboter, etc… La plus dangereuse de toutes était la toupie à bois pour réaliser des "embrèvement" et autres moulures pour des assemblages.
Cette machine avait un redoutable passé au sein de l'atelier, je n'osais pas m'en approcher. C'est elle qui avait sectionné une partie de l'index droit du vieil ouvrier. L'homme était bourru, à la moustache roussie par le mégot qu'il gardait éteint en permanence au coin de sa lèvre, et ne l'ôtait que pour souffler la sciure ou les copeaux qui gênaient la poursuite de son travail. Son caractère avait été surement modifié par des évènements personnels qui lui ont ôté le bonheur de vivre.

Il a perdu prématurément un fils qui faisait sa fierté et une épouse qu'il aimait. Alors, pour sa fille cadette, seule héritière, il espérait un mariage riche avec un fils de famille honorable qui lui donnerait la notabilité qu'il n'avait pu lui donner par le travail.
Il en a toujours voulu à ma grand-mère, puisque mon pépé était mort, de ne pas être cette famille tant espérée.
Un gendre jeune sous-lieutenant, fût-il sorti de Saint-Cyr, ne faisait pas un parti de choix. Aussi pour ne pas décevoir sa fille, il s'en prenait à la belle-mère. Il ne ratait jamais une occasion pour lui rappeler son extraction modeste, "chelle basse classe" ("la basse classe") comme il disait.
Il ne pouvait supporter ces mineurs qui avaient quitté leurs terres, leurs emplois paysans, pour rejoindre la mine et se vouer corps et âme à cette hydre dévorante qui offrait un bien-être et un confort illusoire en échange d'une servitude totale et d'une dépendance sans limite. Lui il vivait du produit de son art, de son travail, et ne recevait d'aide de personne, pas de soins médicaux gratuits, pas de chauffage gratuit, pas de colonies de vacances pour ses enfants… mais il était libre !

Cette haine qu'il manifestait à l'égard de ma mémé Marguerite, elle la lui rendait bien et le détestait tant qu'en parlant de lui elle disait toujours : "Chelle vièle gueule, chelle vièle gamelle ou chelle vièle gaffe…". Alors je n'y allais que lorsque mon oncle et ma tante venaient de Lille avec ma cousine Monique, et que nous faisions un repas de famille ou ma mémé et moi étions conviés.
Comme je m'ennuyais parfois, on m'avait permis d'utiliser un vélo d'enfant qui avait appartenu à ma cousine Monique. Un magnifique vélo blanc encore en très bon état. Mais je n'avais pas le droit d'aller avec sur la rue, seulement sur les trottoirs et devant la maison de ma grand-mère. Alors, un jour, j'ai désobéi…

Comme la petite chèvre de Monsieur Seguin, appelé par les grands espaces et sachant ma mémé occupée pour un long moment, je suis parti sur la route de Harnes attiré vers cette montagne noire qui dominait notre horizon au bout de la rue, un terril. Là, des sentiers de fin poussier bien tassé faisaient d'excellentes pistes qui serpentaient entre des mottes d'herbe naissantes et des amas de charbon d’où sortaient des fumerolles malodorantes. Ça faisait parfois comme des montagnes russes qu'il fallait escalader pour se laisser rouler ensuite à grande vitesse jusqu'au bas de la pente.
Emporté par ma joie, j'en ai oublié l'heure et je suis rentré alors que ma grand-mère, aux "cent-coups", me cherchait partout en compagnie d'une voisine. J'ai bien dû raconter la vérité de mon escapade, et subir les remontrances amères de ma mémé qui se calmait enfin. La bonne voisine a bien tenté d'en rajouter une couche en racontant qu'un gamin en vélo sur le terril avait fait une chute et s'était perforé l'abdomen avec son guidon, mais ma mémé était trop contente et ne pensait qu'à me serrer fort sur son cœur.

Pour me faire pardonner, le lendemain matin j'ai pu me racheter en proposant de rentrer dans la cave le charbon que le livreur de la Compagnie des Mines avait déposé en vrac, tôt le matin, sur le trottoir devant le soupirail de la maison. Cela faisait partie de la dotation que les veuves de mineurs recevaient gratuitement pour le chauffage et la cuisine. C'était un tas d'environ un demi mètre cube de charbon médiocre, plutôt du poussier dont une partie seulement était composé de "gaillettes" (*) de dimensions allant de 5 à 25 cm.
(*) Gaillette : Terme d'origine flamande qui veut dire "noix" qui désigne des blocs de charbon homogènes pouvant aller jusqu'à 30 cm qui sont les meilleurs morceaux pour le fonctionnement des cuisinières et des fourneaux.

Conscient de faire œuvre utile, je pelletais le combustible avec ardeur pour le déverser à travers la petite ouverture qui communique directement avec la réserve du tas de charbon située en dessous, quand un homme qui passait s'est arrêté pour me regarder. C'était un homme d'âge mur vêtu d'un bleu de travail portant une musette en bandoulière, un journalier sans doute. Il avait un fort accent belge quand il m'a adressé la parole :
- Hé bin min tiot père, quand ti t'aura fini, té pourra d'mander at'mère qu'a t'donne eune bonne bistouille…
(Hé bien mon p'tit père, quand t'auras fini tu pourras demander à ta mère qu'elle te donne un bon verre d'eau de vie).
C'est sûrement ce que cet ouvrier flamand, qui louait ses services à la journée dans les maisons, devait rêver le plus d'avoir à cet instant.

En matière de boisson d'adultes, dans le Pas-de-Calais, on restait purement traditionnels, l'alcool se faisait avec des grains de genièvre, et pour le courant c'était la bière que l'on faisait à la maison.
Ma grand-mère préparait elle-même sa bière. Elle a toujours pratiqué cet art depuis qu'elle tenait son estaminet un peu avant la guerre de 14.
Elle n'a jamais dérogé à cette habitude, même quand mes grands-parents vivaient près de Tarbes. Elle avait sa recette et son matériel. Avec du houblon, du malt et de la levure elle préparait son mou, faisait fermenter et mettait en bouteilles. Une opération qui pouvait durer plusieurs jours et que je regrette maintenant de n'avoir pas suivie avec attention, car le savoir-faire de ma grand-mère s'est perdu.

C'est justement le jour du charbon qu'elle a mis sa bière en bouteilles. Des bouteilles qu'on appelait des "canettes" qui fermaient au moyen d'une capsule mécanique en porcelaine munie d'un caoutchouc. Elles faisaient un peu plus d'un demi-litre… C'est amusant de voir que de nos jours on dit toujours canettes pour les boites de bière en métal. C'est surement parce qu'en anglais "can" veut dire boite de conserve.
Ce soir-là j'étais épuisé, et nous sommes montés nous coucher très tôt. Le rituel du coucher et le câlin du soir effectués, je me suis endormi très vite.
Soudain, en plein milieu de la nuit, j'entends un bruit très fort qui me réveille. Inquiet, je tends l'oreille et ce sont alors deux nouvelles détonations. Ça semble venir du rez-de-chaussée, de la cuisine peut-être… terrorisé j'hésite entre me cacher sous les draps ou me précipiter vers ma grand-mère dont je viens d'entendre la porte de chambre s'ouvrir. Encore une nouvelle explosion… ! je vois ma grand-mère s'engager courageusement dans l'escalier. J'imagine maintenant des bandits tirant des coups de pistolet dans la maison ou le jardin, c'est terrifiant !

Je reste en haut de l'escalier et ma mémé est déjà en bas, et c'est de là que je l'entends crier :
- Man-mère… Man-mère… Quo qu'ché tout cha ? Man-mère, en v'là un ouvrache… !
("Bon sang de bon sang… ! Qu'est-ce que c'est tout ça ? Bon sang, quel travail… !)
Elle avait plus l'air surprise que terrorisée, je l'entends bouger vers la véranda. Alors rassemblant tout mon courage, je suis descendu à sa suite. Dans la cuisine j'ai pu comprendre que le lieu de la tragédie se trouvait dans la véranda. Par la vitre de séparation j'ai compris le fin mot du drame : le sol était inondé de bière et jonché de morceau de verre. Les bouteilles étaient en train d'éclater une à une sous la pression de la bière mal fermentée.

A bientôt… ! Pour d'autres récits !


 


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