LES MARIE DU TEMPS JADIS (en français)
par berlens78 le, 22/09/2021Quand j’allais passer l’après-midi chez mes grand tantes avec mémère et qu’on y allait en autobus, je les écoutais raconter leurs histoires et c’était une vraie partie de plaisir ; elles se racontaient leurs souvenirs de jeunesse en disant du mal des gens de ce temps là. Et surtout des femmes, là c’était toujours l’unanimité. Et Moi je rigolais comme un pendu en les écoutant…
Comme toutes les filles de ce temps là, elles saappelaient « Marie », avec souvent un autre prénom accolé, Marie Thérèse, Marie Louise, Marie Josèphe, Marie Antoinette, Marie Rose, Marie Jeanne… Mais elles avaient inventé des petits noms , et ça donnait Marie l’pot, Marie Toutoulle, Marie gougoutte, …
Déjà rien que ce nom, à l’entendre, sans même savoir de qui il saagissait, Ca faisait rire. Marie-Toutoulle, par exemple, Ca voulait dire une qui parlait toujours pour ne rien dire, qui pouvait raconter des histoires toujours pareilles à n’en plus finir, comme un pou borgne, qui rasait tout le monde . Comme quelqu’un qui touille et retouille sa cuiller dans sa tasse à café ; Ca ne sert à rien. Et comme elle parle toujours, elle n’a pas le temps de faire son ménage, alors une Marie toutoulle, c’était souvent aussi quelqu’un qui ne savait pas tenir sa baraque …
Marie l’pot, c’était une qui vivait dans une ferme et qui se trainait toujours avec un pait dans les mains ; peut-être pour traire les vaches dans les étables ou dans les champs ; ou peut-être pour pisser. Avec mon frère on était plutôt pour la deuxième version qui nous faisait rire aux larmes ; on l’imaginait déambuler toute la journée dans sa ferme avec son pot de chambre à la main … Mais on avait peut-être l’esprit mal tourné .. Marie l’pot, Ca pouvait être aussi Marie l’pot au lait, ou l’pot au feu, l’pot aux roses, ou encore l’pot pourri …
Marie Gougoutte, Ca devait ête sûrement une nourrice, qui donnait du lait aux petits bébés dont la mère n’avait pas de lait ; rien que ce mot gougoutte, on pinsait à une femme assise dans un coin en train d’ allaiter un enfant, et à peine fini, que Ca gouttait encore, elle reboutonnait son corsage en vitesse pour courir aller en faire têter un autre … Ou alors Ca pouvait ête une qui ne crachait pas sur un verre de goutte après son café … De la goutte, c’était du rhum ou du genièvre qu’on mettait dans du café de repassage qui n’avait plus beaucoup de goût …Ou bien qui était toujours enrhumée avec le nez qui coulait …
Variante : Marie-bistouille ou Marie cul-sec : qui ne disait jamais non à un petit remontant après le café, et même deux
Marie nonoche, c’était une Marie qui ne tournait pas rond dans sa tête ; nonoche Ca veut dire attardée, bébête, babache, pas fort à place.
Marie pète sec … Là Ca claquait comme un coup de ceinture ; on pouvait imaginer une vieille fille, toute raide, tout décharnée, avec un chapeau et une voilette, fier cul, sans beaucoup de compassion pour les malheurs des autres ; sans jamais de larmes dans les yeux, tout secs …
Marie bonasse : une bonne fille , avenante, toujours prête à rendre service à tout le monde, avec son cœur sur la main ; qu’on peut lui faire tout voir, qu’elle ne dira jamais rien … trop bonne trop bête.
Marie couche toi là : une Marie sans beaucoup de morale ni d’éducation, une fille perdue, une trainée comme disait ma mère, une qui avait aussi vite fait de retirer son corsage et le reste que de passer un gant sur sa figure, et qui pouvait faire ça n’importe où ..
Marie salope : variante de Marie couche-toi-là mais en pire, qui faisait tout voir à son homme
Marie souillon, une qui n’était jamais fort propre, qui ne se lavait pas, avec des taches sur sa robe, ses cheveux tout sales, qu’on l’imaginait plutôt dans une porcherie en train de donner à manger aux cochons
Marie gogosse : qui n’avait pas grandi, qui était restée en enfance
Marie grande fartoulle : des grandes fartoulles, c’était des robes ou des jupes trop grandes et trop longues, ou des manteaux qui trainait par terre ; des femmes qui n’aimaient pas se sentir à l’ étroit dans leurs vêtements ou qui voyaient trop grand ou trop loin … les grandes fartoulles, c’était revenu à la mode après 68 avec les hippies qui mettaient des robes de bohémiennes de toutes les couleurs qui trainait par terre ; mémère elle disait aussi des ramasse poussières …
Marie galoches : celle là, elle allait avec des galoches à ses pieds, des sabots en bois . Ou alors qui avait son menton en galoche, comme les vieilles sorcières. Y avait des mal élevés qui disaient aussi « rouler une galoche » à une fille, pour dire embrasser avec sa bouche et sa langue … Mais Marie mes galoches Ca ne voulait pas dire ça, je ne crois pas ; non, c’était une qui allait avec des grosses chaussures en trainant ses galoches..
Marie taloche : des taloches, c’était des claques, des marrons, des borniffles ; Marie taloche, c’était une qu’avec elle les coups tombaient tout seuls, pour un oui pour un non, avec qui il valait mieux ne pas rigoler …
Marie pisse toujours (ou Marie pipi) : là ce n’est pas la peine d’entrer dans les détails
Il y en avait sûrement encore des autres dont je ne me rappelle plus aujourd’hui. Il n’y avait pas des noms comme Ca pour les hommes ; c’est normal, c’était des saints … Et des noms pour eux, il y en avait des flopées : des noms d’apôtres : Pierre, Paul, Jacques, … Des Joseph, Gaspard, Noël, … Il y avait aussi des René, Louis, Jules, Oscar, des Honoré, … mais là aussi c’était sûrement des noms de martyrs ou de malheureux canonisés …