le Nord est beau
par MIMI le, 02/05/2006Bonjour à vous tous.
Je vous livre deux poémes magnifiques sur le Nord, écrit par M Robakowski, que j' ai retrouvé grâce à vous.
Merci tout simplement à ce poéte!
Le nord est beau
J’habite le nord.
Le nord est beau comme l’homme peut l’être
car c’est en somme une terre qu’il a fait naître.
Le nord a des visages comme l’homme à tous les âges
de ces visages tristes ou gais d’avant l’humeur ou bien après,
de cette humeur à saute vent
où le vent se libère et se lie à la terre
comme l’homme à saute jours se lit au fil des heures.
Le nord a des visages de toutes couleurs
sans jamais avoir la couleur pareille
rien que celle du temps ou bien des ailleurs,
la couleur d’un bariolage
toute une droguerie de fêtes qui se forainent
de place en ducasses, de jours en liesse
et en laisse autour d’un collier de kermesses,
de ces couleurs d’hommes
de poignées de cœur dans la fumée d’une cigarette
que l’on offre en amitié simplement
comme une maison ouverte à qui veut y entrer.
Le nord a le paysage pareil à celui qui s’y regarde
comme un miroir de terre,
pour celui né au ventre de cette terre
rien n’est plus beau pareil à une mère.
Le nord possède le sud
et bien plus de levants et de couchants,
une rose des vents à sa boutonnière
et des boutons de roses
pour les donner aux passants,
de ces gens qui passent avec au bout des cils
des battements émerveillés,
pour qui ouvre grand les yeux et sait regarder,
là où il pleut devient tout ce qu’il veut,
là où il vente reste toujours un peu de choses d’arbres
ou de chemins d’hommes pour les faire bouger.
La terre se plaine et se colline en plat et en rond,
n’est-ce pas de l’homme qu’il s’agit ?
D’un homme couché à se fondre à la terre
à fleur de peau, n’est-ce pas la vie elle-même ?
Quand on dit qu’elle est belle
et que le nord est beau.
Lille aux trésors
D’une île à sa naissance la ville
mit des canaux pour faire la mer
et des bateaux chargé du temps
du ciel en voilier dans les voiles,
reliant les nuages et la terre
au fil des jours comme un textile,
le pays couvert d’un châle blond
de miroirs d’eau et de plaines.
La ville se fit alors des rues,
des maisons et des églises,
de brique en pierre la musique
d’un peuple marchand à la croisée
des chemins de grands voyages,
de basses Flandres et d’ailleurs,
et puis des portes pour ouvrir
sur les champs la clef des faubourgs
ou la venue du Soleil Roi,
toujours la rue et le canal
tissant leurs mailles de foule
la kermesse de chaque jour
où la vie à l’angle du beffroi
se faisait un siècle nouveau.
Dame Lille d’une fleur de lys
dessus les toits la draperie,
au vent du nord s’amusait-elle
de planter ces fleurs son jardin ?
La ville longtemps prit l’or du temps,
aujourd’hui encore elle s’éprend,
filant toujours le fil des jours
pleins de trésors dans les paroles
de ses murs et dans les nuages
n’y a-t-il pas la même ville ?
Lille est une île entre la pluie et le soleil,
la mer se fait des vagues de toits
et les toits des miroirs où se regarde le ciel.
Michel Robakowski
Extrait d’ «Un peu de pluie au passage du vent»
paru aux Cahiers Froissart à Valenciennes 1975