L'héroïne de Loos évoque ses souvenirs (2)
par kiki le, 12/08/2007EXCLUSIF RELAIS
Emilienne MOREAU,
L’héroïne de LOOS,
Et Just EVRARD
Evoquent leurs souvenirs.
Un Fortin aménagé dans un Terril
- E.Moreau : Nous avions vécu, avant la déclaration de la guerre, de formidables années. Puis très vite, notre famille fut cruellement atteinte. Mon frère Henri, qui se destinait au métier de contrôleur des mines, se faisait tuer à Berry-au–Bac. Mon père mourrait, de privations peut-être. Vous devinez donc quels pouvaient être mes sentiments en septembre 1915.
- Les Allemands occupaient Loos-en-Gohelle : il n’était pas question d’évacuer. Ils m’avaient intimé l’ordre de faire la classe – mes parents souhaitaient que je devinsse institutrice – mais comme ils manquaient de charbon, ils m’avaient autorisée à aller grappiller des « gaillettes » avec mes élèves, sur les deux terrils de la fosse 15.
- Très vite je m’aperçus que, sur l’un d’entre eux, on avait, de place en place posés des fils électriques et creusé des trous. Les Allemands y avaient aménagé un véritable fortin : des canons et des mitralleuses étaient camouflés sous la roche, et étaient dirigés vers le front.
- Quand donc, le 25 septembre, sur une attaque des Ecossais, j’ai vu les Allemands se replier en direction du terril, j’ai tout de suite compris que les alliés allaient tomber dans le piège. Je me suis donc précipitée à leur rencontre pour leur crier de ne pas aller plus loin.
- J. Evrard : Et ce, vous vous en doutez, au milieu des bombardements et des mitraillages qui ne discontinuaient pas.
- E. Moreau : Vous ne pouvez pas vous imaginer comme les Ecossais me firent peur, avec leurs masques à gaz… et leurs jupes. Je parvins quand même à m’approcher de leur officier et à lui faire admettre, en joignant le geste à la parole, qu’il fallait contourner l’obstacle. Il finit par comprendre qu’il devait me suivre, et c’est ainsi que j’ai guidé ses hommes, leur faisant faire le tour par le cimetière de Loos : ils surprirent les Allemands par l’arrière, et c’est ceux-ci qui, finalement, furent pris au piège.
- Pendant ce temps, les blessés se faisaient de plus en plus nombreux, il fallait aller les ramasser sous les balles et les panser avec les moyens du bord. Mais très vite, je m’aperçus qu’au fur et à mesure qu’on les ramenait, ils étaient achevés par deux Allemands, qui à travers la lézarde d’un mur, les mettaient en joue et les fusillaient.
- Je ne voyais vraiment pas comment expliquer cela aux écossais. Je ne vis donc qu’une chose à faire : bondir sur le révolver de l’un d’entre eux, et abattre les deux Allemands. Voilà toute l’histoire.
- J. Evrard : Cette histoire, vous comprenez bien les écossais ne manquèrent pas de la rapporter à Douglas Haig, et le Général Foch, adjoint au Général en Chef, citait de suite Emilienne à l’Ordre de l’Armée. Peu de temps après, le Général de Sailly lui remettait, sur la place d’Armes de Versailles, entre deux grands blessés, la Croix de Guerre avec palmes.
A suivre

